Alors que la présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire cristallise les tensions internes et les enjeux géopolitiques, le tête-à-tête entre Emmanuel Macron et Alassane Ouattara révèle les mécanismes stratégiques de la relation franco-ivoirienne. Pour le sociologue Dr Kamenan Arthur Yobouet, ce rapprochement s’inscrit dans une logique de préservation d’intérêts réciproques, dans un contexte marqué par le recul de l’influence française en Afrique de l’Ouest et la montée des rivalités entre puissances.
A l’occasion de la présidentielle d’octobre de 2025, le tête-à-tête entre les présidents Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Emmanuel Macron (France) tenu le 16 juillet 2025 réanime le débat sur la nature de la relation France-Côte d’Ivoire dans le prisme de la France/Afrique. Deux conceptions s’affrontent.
Pour certains, inscrits dans la logique du panafricanisme, la France demeure toujours cet empire colonial qui pillent les ressources stratégiques de ses anciennes colonies, les surendette, fragilise leurs économies avec la complicité de ses « valets locaux installés » à la tête de ces états. De 1960 à nos jours, plusieurs chefs d’états africains ont vu leurs régimes politiques se consolider grâce aux interventions militaires françaises.
Dans cette logique, les panafricanistes analysent le tête-à -tète des présidents Macron et Ouattara sous le prisme de la domination de Paris sur Abidjan.En face du panafricanisme, il y a ceux qui prônent le caractère désuet et obsolète de la France-Afrique et de la colonisation, en particulier dans le cas de la Côte d’ Ivoire.
Pour eux, s’il est vrai que par le passé colonial, la France était crainte en Afrique francophone, aujourd’hui, elle a perdu de son influence et ne se trouve plus en position de faire ou de défaire les chefs d’états, encore moins de leur imposer quoi que ce soit. A ce titre, la Côte d’Ivoire, en tant que nation souveraine, choisirait ses partenaires en toute liberté et sans contrainte.
C’est donc dans le cadre de renforcer ses relations avec la France, en tant que partenaire stratégique, que s’inscrit, de façon routinière, le tête-à-tête qui eut lieu. Qu’il y ait prolongement de la domination française ou de sa rupture, on observe que les régimes d’Alassane Ouattara et celui de Macron se trouvent dans une situation socialement construite autour des enjeux de préservation des intérêts respectifs des pays qu’ils président.
Lesquels enjeux entrainent des logiques de calculs/avantages qui orientent leurs comportements purement stratégiques. Dans cette relation de pouvoir, ces acteurs en présence évaluent leurs ressources disponibles, hiérarchisent leurs objectifs en termes de préférence de sorte que les termes de l’échange leur soit favorable.
La France, en perte d’influence dans la sous région ouest africaine, est consciente d’avoir le pouvoir d’Abidjan comme un allié stratégique pour la préservation de ses intérêts cruciaux. Le chef d’Etat ivoirien, en mettant un point d’honneur à sa relation avec la France, montre qu’il est l’interlocuteur légitime qui appréhende le mieux les enjeux du moment des deux parties.
Ainsi, dans la configuration actuelle, où les présidentielles ivoiriennes de 2025 revêtent un enjeu de lutte géostratégique entre les Brics et l’Otan, la crise de l’Uemoa, les tensions autour d’un potentiel mandat supplémentaire du président du Rhdp, il ne serait pas avantageux pour E. Macron de contrarier les projets d’Alassane Ouattara.
Le tête-à-tête entre les deux acteurs s’inscrit donc dans une dynamique d’anticipation des réactions susceptibles d’affecter les coûts sociaux escomptés.
Dr Kamenan Arthur Yobouet
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