Invité de l’émission Web-TV « Les Grandes Rencontres de Joël Ettien », l’ex-secrétaire exécutif du PDCI-RDA s’est livré sans détour. Entre autres confidences sur les intrigues politiques ivoiriennes, Maurice Kakou Guikahué révèle pourquoi, à la veille des élections présidentielles de 2000, il a appelé à soutenir le Général Robert Guéï, l’auteur du coup d’État contre Henri Konan Bédié. Révélations…
« […] Vous avez parlé de Guéi. Les gens en parlent souvent. Je vais expliquer un peu. Vous me donnez l’occasion d’expliquer mon idée. Guéi Robert était ancien chef d’état-major du président Houphouët. Sa femme, Mme Rose Doudou Guéi était présidente du comité PDCI à Adjamé.
Guéi était donc un militant du PDCI, mais étant dans l’armée, il avait le droit de réserve. Et le président Bédié est venu et il l’a nommé ministre. Il était le ministre de la Jeunesse et des sports. Donc à un moment donné, des doyens de l’Ouest comme les Gui Dibo, sont venus vers nous pour nous dire que le président Guéi nous sollicite.
Boycott actif ou passif ?
Il veut être candidat pour le PDCI. Le PDCI avait choisi Bombet. Jusque-là, il n’y avait pas de problème. Et quand le Conseil constitutionnel, avec son président Tia Koné, a rendu son verdict, tous les candidats du PDCI-RDA ont été éliminés. Entre-temps, de façon stratégique, la candidature du président Bédié avait été déposée. Même si Bombet avait été choisi, cette candidature avait été déposée de façon stratégique. Tout le monde avait été éliminé. Il restait Djibo Nicolas, il restait Wodié, il restait Guéi et il restait Gbagbo.
J’ai fait un raisonnement…
Moi, je suis un idéologue. Bon, j’ai mûri, aujourd’hui, je vais vers un homme d’Etat. J’ai été ministre, mais à l’époque, j’étais un idéologue. Et j’ai pris la parole à une réunion le 12 octobre 2000. On était à la Maison du PDCI, dans la grande cour. Les gens étaient là. J’ai pris la parole après plusieurs personnes et j’ai dit : nous sommes dans les difficultés. Quelle est la consigne ? Le secrétaire général du PDCI dit qu’il ne donne pas de consigne.
Alors, est-ce qu’on fait un boycott actif ou on fait un boycott passif ? Il n’y a pas de consigne. S’il n’y a pas de consigne, ça veut dire qu’on a un danger, il n’y a pas de ligne directrice du parti. Moi, j’ai pris donc la parole et j’ai fait un raisonnement. J’ai dit que les candidats que nous avons et je répète ce que j’ai dit le 12 octobre. Ça m’a valu ce que ça vaut, mais après certains sont venus me dire que j’avais eu raison.
« Quelqu’un qui a tué ton père… »
J’ai dit : Nicolas Dioulo, personne ne le connaît. Mel Théodore, il était notre secrétaire général chargé des Finances au Secrétariat. On fait le coup d’Etat, il va de l’autre côté et il devient le candidat. On ne peut pas le voter. J’arrive sur Wodié. II est du PIT, pour le moment il ne nous arrive pas à la cheville, si on lui donne le pouvoir, dans 5 ans, il va nous arriver à l’épaule, on va avoir des difficultés.
Maintenant Gbagbo, j’ai dit, mais il est le grand danger parce qu’il a un parti politique structuré. S’il devient président, il va faire développer le FPI et pour que le PDCI revienne au pouvoir, ça va être difficile. Dans ma vision, mais la seule personnalité qu’on peut soutenir, c’est Guéi. Ça fait mal, parce qu’on dit que c’est quelqu’un qui a fait un coup d’État. Quelqu’un qui a tué ton père ne peut épouser ta maman. Il y avait toutes sortes de formules avancées par le doyen Jean Konan Banny.
J’ai été voué aux gémonies…
L’atmosphère était difficile, je l’ai dit publiquement. J’ai dit ça fait mal, mais la seule personne qui nous reste, que nous pouvons soutenir, pour revenir vite au pouvoir, il s’appelle Guéi Robert. Tout le monde a commencé à dire : Hôô ! Hôô! Guéi, il est qui ? J’ai dit qu’à Gagnoa, moi, je suis un poteau électrique PDCI planté qui ne peut même pas bouger. Je suis PDCI d’abord, mais je suis en train de raisonner en tant que politique, en tant qu’intellectuel.
Les conséquences d’un choix politique
Guéi était déjà choisi par Tia Koné. C’est après ça qu’on a fait la réunion. Et j’ai pris le risque. Parce que ça aurait pu me valoir des choses. Je leur ai dit, vous savez qui est Guéi ? « Guéi est un nénuphar ». Il flotte sur l’eau, il n’a pas de racine. Donc s’il devient président, le Premier ministre sera PDCI, le président de l’Assemblée nationale, PDCI. Je n’ai pas ajouté ça, mais c’était dans ma pensée. S’il est président, tous les postes seront pris par le PDCI.
Cinq ans plus tard, le PDCI reprend le pouvoir. Et puis Bédié peut revenir pour être encore président. Et j’ai été voué aux gémonies et c’est derrière ça qu’on court jusqu’à présent. Donc, de temps en temps, il y a des personnes à un haut niveau qui m’avaient condamné, qui me donnent raison. Il y a même 5 personnalités du PDCI de haut rang qui sont venues me voir, pour présenter des excuses. Ils reconnaissent que j’avais eu une vision, que j’avais eu raison.
Que le PDCI aurait pu constituer un gouvernement à l’extérieur pour faire pression. Qu’on était restés à Abidjan pour faire la théorie. Moi, je leur ai dit que je n’étais pas arrivé jusque-là, mais voici le fond de ma pensée. Les gens en parlent, mais j’assume. C’est une vision que j’ai eue, mais j’assume. Je n’ai pas dit ça derrière la porte, j’ai dit ça publiquement, donc ce n’est pas à nier. […] »
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