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Il y'a 6 heureson
La Côte d’Ivoire est de nouveau au bord d’une crise politique à l’approche des élections présidentielles d’octobre. Tidjane Thiam, radié de la liste électorale comme bon nombre de candidats de premier plan, Laurent Gbagbo notamment, s’est livré à un exercice pour le moins périlleux qui a mis en lumière l’amateurisme de sa communication, mais aussi les failles de la stratégie accompagnant son ambition. Patrice Dama décrypte.
Radiation : Les erreurs de Tidjane Thiam !
Tidjane Thiam a pris la tête du PDCI-RDA malgré une vingtaine d’années d’absence du pays. Le leader du parti fondateur de la Côte d’Ivoire a ensuite été désigné candidat officiel de sa formation pour la prochaine élection présidentielle. Mais problème : des citoyens opposés à son éligibilité en raison de sa double nationalité franco-ivoirienne l’ont traduit devant le Tribunal de première instance d’Abidjan.
La décision de la justice est tombée et elle est défavorable au champion du parti fondé par feu Félix Houphouët-Boigny, son grand-oncle. Dans la foulée de sa radiation de la liste électorale, le rendant inéligible à l’élection présidentielle, Tidjane Thiam a réagi en personne dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux. Après avoir dénoncé une décision « injuste, injustifiée et incompréhensible », l’ancien patron de Credit Suisse s’est maladroitement lancé dans un tout autre sujet, aux objectifs inavoués, mais assez prévisibles.
En effet, Tidjane Thiam a délaissé le sujet principal de sa prise de parole pour évoquer un sondage controversé le donnant vainqueur face au Président Alassane Ouattara. Ce sondage relègue donc au second plan l’ex-président Laurent Gbagbo, qui n’accéderait pas au second tour et qui passe à ses yeux pour candidat moins sérieux.
« Le pouvoir vient simplement d’éliminer, à travers un raisonnement juridique incompréhensible et inique, son rival le plus sérieux… », a déclaré le président du PDCI-RDA.
Thiam plébiscité dans son sondage sur quelle base ?
Le premier point de ce fameux sondage qui a retenu son attention porte sur la popularité des leaders politiques. Il affirme être « en tête de ce sondage, très largement, avec un solde positif, devançant l’ancien président M. Gbagbo (2ᵉ du classement) ». Selon le second point du même sondage, les Ivoiriens le choisiraient face au Président Alassane Ouattara au second tour. Et sur ce point, Tidjane Thiam affirme : « Je l’ai emporté par 57 % contre 41 % pour le président Alassane Ouattara. »
Ce qui est difficile à comprendre dans ce sondage, c’est que le Président Ouattara, pourtant classé 3ᵉ en popularité, se retrouve tout de même au second tour. Et face à ce Président sortant, Thiam affirme remporter la partie avec 53 % des voix.
On peut légitimement douter de ce sondage, commandé par Tidjane Thiam lui-même à des agences françaises, pour plusieurs raisons. Malgré sa montée en puissance, Tidjane Thiam ne peut être aussi populaire que le Président Ouattara ou son éternel rival, Laurent Gbagbo. La réputation de ces deux figures politiques s’est construite au fil du temps. Ils occupent la scène politique ivoirienne depuis bien plus longtemps que Thiam, qui n’y évolue que depuis deux ans.
En 24 mois, Tidjane Thiam n’a pas pu atteindre les couches les plus profondes de la population ivoirienne. Il est donc difficilement acceptable qu’un sondage, réalisé à l’étranger, véhicule une information aussi facile à déconstruire.
L’autre problème de ce sondage réside dans le récit imaginaire qu’il propage. Thiam en parle comme s’il s’agissait d’un véritable scrutin, oubliant qu’il ne s’agit que d’un sondage, souvent trompeur, y compris en France et aux États-Unis. Par ailleurs, au-delà de sa popularité supposée, sur quel programme concret les Ivoiriens auraient-ils pu le choisir ?
Après autant d’années d’absence, il aurait été plus logique pour lui de profiter de chaque apparition publique pour exposer son projet de société pour la Côte d’Ivoire. Ce message aurait pu petit à petit convaincre les électeurs. Thiam, redoutant un supposé vol de ses idées par ses rivaux, s’est gardé jusqu’ici d’en dévoiler les points essentiels. Dans ce contexte, sur quelle base les Ivoiriens l’auraient-ils désigné comme l’homme politique le plus populaire, ou pire encore, président devant le chef de l’État Alassane Ouattara ?
Œil pour œil, l’opposition se désolidarise de Tidjane Thiam
Sur le plan stratégique, le leader du PDCI-RDA accumule les erreurs. Sa réaction à sa radiation n’était pas l’occasion d’annoncer des résultats de sondage. Aucun parti politique sérieux ne communique lui-même un sondage flatteur. En général, ces chiffres sont diffusés indirectement, repris ensuite par des porte-paroles ou des médias.
La réaction de Thiam, intervenue quelques heures seulement après la décision de justice, était inappropriée et mal préparée. C’est le parti qui aurait dû s’exprimer en premier, avant que son président ne prenne la parole bien plus tard, à froid. Sortir pour évoquer un sondage flatteur ne fait que susciter de la sympathie pour les leaders qu’il cherche à rabaisser.
Quant à son rapport avec Laurent Gbagbo ou les autres radiés, Tidjane Thiam aurait dû faire preuve de plus de solidarité bien avant que son propre cas n’émerge. Il aurait pu condamner plus fermement le retrait de Guillaume Soro, de Charles Blé Goudé et du Président Gbagbo de la liste électorale et pas du bout des lèvres. L’absence de cette réaction énergique explique aujourd’hui le désintérêt du PPA-CI, de GPS et même de COJEP – son partenaire de la coalition Cap Côte d’Ivoire – face à ce qui lui arrive.
Les deux premiers ont suspendu leurs activités politiques en France, là où le PDCI-RDA appelle à manifester contre la radiation de Thiam, prévue pour le samedi 26 avril. En clair, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro demandent à leurs militants de snober cette marche, qui visiblement ne les concerne pas. Le COJEP, quant à lui, ne s’est pas encore rallié à ce mouvement.
Tidjane Thiam, peut-être un bon profil pour le futur ?
Comment un candidat qui affirme se soucier de ses concitoyens peut-il ignorer de “mauvaises décisions de justice” prises à l’encontre d’autres citoyens, pour ensuite se montrer plus “déterminé” à combattre le même type “d’injustice” dès lors qu’il en est lui-même victime ? Une telle posture affaiblit son message et suscite des doutes sur son intention de conquérir la Côte d’Ivoire pour tous, comme l’espèrent les Ivoiriens qui le soutiennent.
À y regarder de plus près, le parcours de Tidjane Thiam donne l’impression d’un saut précipité dans la bataille présidentielle, sans véritable préparation. Il apparaît davantage comme un opportuniste que comme un homme mû par un projet solide pour la nation — un projet qui, en principe, exige du temps, de la réflexion et une véritable maturation des idées. Cela se serait traduit par l’anticipation de plusieurs coups, notamment la série de procès qui va occuper ses journées jusqu’aux élections.
Il donne l’impression qu’on lui a simplement soufflé à l’oreille que le moment était propice pour se lancer… sans qu’il ne s’y soit réellement préparé. D’où ces maladresses à répétition. Pourquoi, par exemple, affirmer qu’« il n’y a pas de plan B » en dehors de lui et qu’il sera l’unique candidat du PDC-RDA en 2025 ? Que croit-il que se disent, en silence, les autres cadres du parti qui le soutiennent par discipline ou résignation ? En politique, certaines paroles sont bonnes à penser, mais ne devraient jamais être prononcées.
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