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JDN : Le patron de la cybersécurité ivoirienne lève le voile sur cette guerre invisible, « nous traquons les adresses IP, les pseudos, les transactions suspectes »

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À l’occasion des Journées du droit numérique (JDN), le 22 mai 2025, Linfodrome s’est entretenu avec le colonel-major Gelpetchin Ouattara, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Avec plus de 12 100 cyberaffaires traitées en 2024 et des enjeux croissants liés aux fake news et à la période électorale, le patron de la cybersécurité ivoirienne détaille les défis, les réussites et les coulisses d’un combat invisible.

Linfodrome : Les chiffres de la cybercriminalité en Côte d’Ivoire sont impressionnants. 12 100 affaires traitées en 2024. Comment expliquer cette hausse ?

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Colonel-major Ouattara : Il faut repartir de loin. La cybercriminalité a émergé dans les années 2000, mais nos pays étaient démunis. Avant 2013, nous n’avions même pas de cadre juridique ! Progressivement, nous avons structuré nos réponses : création de la DUTT en 2007, renforcement des lois en 2013, partenariats entre police et institutions…

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« Aucun désordre ne sera autorisé, sur terre, dans les airs… ou dans le virtuel ».
Aujourd’hui, l’ANSSI centralise ces efforts. Mais ces chiffres reflètent aussi une réalité. Plus les populations se digitalisent, plus elles deviennent des cibles. Avec le mobile money, le e-commerce, ou la 5G, les opportunités pour les criminels explosent.

Linfodrome : Vous parlez de « structuration ». Concrètement, quelles actions ont été menées ?

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Colonel-major Ouattara : Imaginez : en 2011, une plainte pour cybercrime aboutissait rarement. Aujourd’hui, nous avons des équipes spécialisées, un cadre légal, et des outils comme le Centre de lutte informationnel contre les fake news. Les victimes savent vers qui se tourner. En 2024, nous avons sécurisé des milliers de comptes, retiré des vidéos compromettantes, et interpellé des centaines de suspects. C’est une maturation constante du process.

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Linfodrome : Vous évoquez les fake news. Comment l’ANSSI répond-elle à ce fléau ?

Colonel-major Ouattara : C’est un défi colossal. Avant, les insultes se criaient dans la rue. Aujourd’hui, elles inondent les réseaux. Pire, des campagnes organisées de désinformation ciblent nos institutions. Notre Centre de lutte informationnel identifie ces menaces en temps réel. Par exemple, quand une rumeur annonce le décès d’un officiel, nous contactons directement la personne pour un démenti express. Mais certaines affaires sont plus complexes.

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Linfodrome : Comme les campagnes de propagande étrangère ?

Colonel-major Ouattara : Exactement. Lorsque des fake news sont orchestrées depuis l’étranger, tout se complique. Il faut prouver l’infraction, obtenir une coopération judiciaire, et parfois accepter que le pays concerné juge lui-même le suspect. Un exemple : si un Ivoirien commet une cyberfraude depuis la France, la France peut refuser de l’extrader. C’est le jeu de la souveraineté.

Linfodrome : Interpeller un cybercriminel à l’étranger ? Un parcours du combattant. Justement, comment gérez-vous les suspects hors de Côte d’Ivoire ?

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Colonel-major Ouattara : La coopération internationale est un labyrinthe. Première étape, l’infraction doit être reconnue par le pays hôte. Ensuite, il faut convaincre les autorités d’enquêter. Parfois, c’est mission impossible. Certains États ne jugent pas prioritaires les insultes en ligne ou les diffamations. D’autres refusent d’extrader leurs nationaux. Nous devons donc composer avec ces limites.

Linfodrome : Et si le criminel est en Côte d’Ivoire ?

Colonel-major Ouattara : Là, nous agissons vite. Grâce à la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC), créée en 2014, nous traquons les adresses IP, les pseudos, les transactions suspectes. En 2024, des centaines d’interpellations ont eu lieu. Mais attention, chaque dossier exige des preuves solides. On ne peut pas accuser quelqu’un sur un simple soupçon.

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Période électorale 2025 : L’ANSSI en alerte maximale
Linfodrome : La période électorale approche. Craignez-vous une explosion des fake news ?

Colonel-major Ouattara : Soyons clairs. Les menaces existeront. Mais nous sommes prêts. Depuis des mois, nous surveillons les tendances, identifions les comptes toxiques, et travaillons avec les plateformes sociales. Comme l’a dit le porte-parole du gouvernement : « aucun désordre ne sera autorisé, sur terre, dans les airs… ou dans le virtuel ». Notre défi ? Réagir en temps réel. Une fake news peut viraler en 10 minutes. Nous devons démentir en 5.

Linfodrome : Quel message aux citoyens ?

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Colonel-major Ouattara : Méfiez-vous des informations non vérifiées. Signalez toute suspicion à l’ANSSI. Et surtout, protégez vos comptes : mots de passe forts, double authentification… La cybersécurité, c’est l’affaire de tous.

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Le virtuel n’est pas une zone de non-droit, surtout pas en Côte d’Ivoire. Face à une cybercriminalité en constante mutation, le pays renforce ses arsenaux juridiques et technologiques. Mais pour le colonel-major Ouattara, l’enjeu dépasse les chiffres : « Derrière chaque plainte, il y a une victime. Notre mission est de rendre le numérique sûr, pour tous. »

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