Un nouveau coup de froid dans les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Le régime du capitaine Ibrahim Traoré accuse ouvertement Abidjan d’héberger des militaires en exil impliqués dans un complot récemment déjoué. Selon le ministre Mahamadou Sana, les cerveaux à l’extérieur du pays sont tous localisés en Côte d’Ivoire.
Le ton est monté d’un cran entre Ouagadougou et Abidjan. Dans un communiqué diffusé ce dimanche 20 avril 2025, au soir sur la télévision nationale burkinabè (RTB), le ministre de la Sécurité, Mahamadou Sana, a révélé l’existence d’un complot contre le pouvoir de transition, orchestré selon lui depuis la Côte d’Ivoire.
« Les cerveaux à l’extérieur du pays sont tous localisés en Côte d’Ivoire », a-t-il affirmé, accusant des militaires en exil de vouloir renverser le régime en place. Parmi les principaux suspects figure le lieutenant Barry Abdramane, du bataillon de justice militaire, aujourd’hui en fuite. Le nom du commandant Kaboré Constantin, également en exil, a été cité comme opérant depuis Abidjan.
Selon les renseignements burkinabè, la tentative de coup d’État était prévue pour le mercredi 16 avril. L’opération, d’une ampleur inédite, devait coïncider avec plusieurs attaques terroristes coordonnées à travers le pays, dans l’objectif de semer la panique et d’ébranler l’autorité de la transition.
« L’assaut devait être mené au même moment que plusieurs attaques terroristes d’envergure », a expliqué le ministre Sana, soulignant que le plan a pu être déjoué grâce à la vigilance de soldats patriotes et de Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), qui ont alerté les autorités.
Une purge silencieuse dans l’armée
La semaine précédente, plusieurs officiers de l’armée burkinabè ont été arrêtés. Deux d’entre eux ont été relevés de leurs fonctions, dans un climat de suspicion généralisée. Bien qu’aucune déclaration officielle n’ait été faite sur ces interpellations, des soutiens du pouvoir évoquent clairement une tentative de putsch.
En toile de fond, la répression s’intensifie. Le 1er avril, le ministère de la Sécurité burkinabè publiait une liste noire d’environ trente personnes considérées comme « ennemis de l’intérieur ou de l’extérieur ». Cette liste mêle figures politiques, journalistes, chefs religieux, djihadistes présumés et opposants en exil, dont Ahmed Barry, ancien président de la Commission électorale.
Des relations diplomatiques déjà fragilisées
Depuis le coup d’État de septembre 2022, les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire se sont nettement dégradées. Le capitaine Ibrahim Traoré a à plusieurs reprises accusé son voisin d’abriter des figures hostiles à son régime. En mai 2024, puis de nouveau en juillet, il dénonçait l’existence d’un « centre d’opérations contre la transition » à Abidjan.
Face à ces accusations, les autorités ivoiriennes n’ont pas encore réagi officiellement. Cependant, le ministre des Affaires étrangères, Léon Kacou Houadja Adom, avait anticipé ce type de mises en cause. Dans une interview accordée à Jeune Afrique le 5 février 2025, il déclarait : « La Côte d’Ivoire est un pays de paix et de dialogue. Jamais elle ne sera une terre de déstabilisation ».
Le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte burkinabè, justifie son maintien au pouvoir en invoquant une dynamique de rupture. « Nous ne sommes pas dans une démocratie, nous sommes bien en révolution progressiste populaire », déclarait-il récemment, critiquant ouvertement les modèles démocratiques classiques et appelant à un soutien inconditionnel à sa vision.
Ces dernières déclarations de Ouagadougou renforcent les tensions déjà vives entre les deux pays. En l’absence de canal diplomatique ouvert et face à une communication de plus en plus belliqueuse, la crise pourrait s’enliser. La sous-région, déjà fragilisée par l’instabilité au Sahel, n’a pourtant pas besoin d’un nouveau front de division entre États voisins.
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