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Le pape François en RDC : Un discours qui fera date
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Il y'a 2 anson
Le 31 janvier 2023, au Jardin du Palais de la Nation, le pape François s’est adressé aux autorités congolaises, aux représentants de la société civile et au corps diplomatique. Tous les points de cette adresse ne seront pas évoqués dans la présente publication. Nous nous attarderons uniquement sur quatre idées.
La première est le rappel d’une parole de l’hymne national congolais : « Par le dur labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix. » J’ai vécu en République démocratique du Congo, de septembre 1987 à juillet 1989. Pendant mon séjour, j’ai rencontré des hommes et des femmes qui travaillaient dur, qui se levaient tôt et se couchaient tard, pour nourrir leur famille et élever dignement leur progéniture.
Il serait donc injuste de considérer tous les Congolais comme un peuple paresseux, réfractaire à l’effort et enclin à la facilité. Il n’en est pas moins vrai que, dans le même Congo, il y a des gens qui aiment trop danser, qui ne sont intéressés que par l’amusement, le divertissement et les distractions.
Cette observation est valable pour les autres pays africains car c’est fréquemment que nos télévisions présentent des danses aussi obscènes les unes que les autres et c’est rarement qu’on y voit des débats littéraires ou des jeunes occupés à résoudre tel ou tel problème technique. Pourtant, Henri Lopes, fils de l’autre Congo, nous avait mis en garde quand il écrivait : « La meilleure détente n’est pas la danse. Un bon livre est, en la matière, supérieur.
L’Afrique, à force de rire et de chanter, s’était laissée surprendre par les peuples plus austères, en avait été déportée et asservie. » Une mise en garde faite dans le recueil de nouvelles « Tribaliques » qui obtint en 1972 le Grand prix littéraire d’Afrique noire. Les Asiatiques (Indiens, Chinois, Japonais, Coréens, etc.) ne sont pas traités comme les Africains ont coutume d’être traités parce qu’ils ont forcé le respect des Occidentaux par leur travail.
La seconde idée se trouve dans l’affirmation suivante : « Le Père céleste veut que nous sachions nous accueillir comme les frères et sœurs d’une même famille et travailler à un avenir qui soit avec les autres et non contre les autres. Bintu bantu, c’est ainsi que l’un de vos proverbes rappelle très bien que la vraie richesse, ce sont les personnes et les bonnes relations entre elles. »
Qu’ils soient dans la vie politique ou dans l’Église qui confesse qu’en Jésus-Christ « il n’y a plus ni Juif ni Grec car vous êtes tous un en lui » (Gal 3, 28), les tribalistes devraient comprendre que l’autre est une chance et non une menace et que « prendre obstinément parti pour sa propre ethnie ou pour des intérêts particuliers, alimentant des spirales de haine et de violence, tourne au détriment de tous en bloquant la nécessaire chimie de l’ensemble».
La troisième idée attire l’attention sur le mal que les religions peuvent faire si ceux qui les pratiquent ont perdu de vue leur finalité : relier les hommes à Dieu et relier les hommes les uns aux autres.
François conseille à toutes les religions opérant en Afrique de renoncer « à toute agressivité, prosélytisme et contrainte, qui sont des moyens indignes de la liberté humaine car, quand on en vient à imposer, en allant à la chasse aux fidèles, de manière aveugle par la ruse ou par la force, on ravage la conscience d’autrui et on tourne le dos au vrai Dieu, parce que – ne l’oublions pas là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté (2 Co 3, 17) ».
La dernière idée, et la plus importante de ce discours, à mon avis, c’est l’interpellation vive et claire adressée à l’Occident arrogant, prédateur et dominateur.
François commence par le constat suivant : « Il est tragique que ces lieux, et plus généralement le continent africain, souffrent encore de diverses formes d’exploitation. Après le colonialisme politique, un colonialisme économique tout aussi asservissant s’est déchainé.
Ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources : on en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent étranger à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants.
C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés. » Et le pape d’ajouter : « Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser.
Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! Que le monde se souvienne des désastres commis au cours des siècles au détriment des populations locales et qu’il n’oublie pas ce pays ni ce continent. Que l’Afrique, sourire et espérance du monde, compte davantage : qu’on en parle davantage, qu’elle ait plus de poids et de représentation parmi les nations ! »
Avec franchise et vigueur, l’ancien archevêque de Buenos Aires poursuit : « Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup. II faut que l’on sache ce qui se passe ici, que les processus de paix en cours, que j’encourage de toutes mes forces, soient soutenus dans les faits et que les engagements soient tenus. »
Je ne crois pas qu’un pape ait autant tancé les dirigeants et hommes d’affaires occidentaux, autant exposé leur cruauté et cupidité, que François.
La RDC et l’Afrique ont eu droit à un discours historique. Elles ont eu la joie d’écouter un pasteur qui, indiscutablement, tranche par son courage, son franc-parler et sa fermeté.
Ces paroles fortes, l’Afrique, longtemps humiliée, méprisée, exploitée et violentée, les attendait de la part du successeur de Pierre.
En s’exprimant à Kinshasa sans langue de bois, en rappelant les souffrances injustes subies par les Africains, en plaidant pour que l’Afrique soit écoutée et respectée, François a fait ce qu’un vrai homme de Dieu devrait faire. Il montre le chemin aux prêtres et évêques d’Afrique qui sont encore paralysés par la peur. Son exemple sera-t-il suivi ?
Jean-Claude DJEREKE
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